Le Marché Volontaire du Carbone (MVC)

Pour expliquer le fonctionnement du marché volontaire du carbone, nous donnons la parole à un spécialiste reconnu. Nous remercions Nicolas Kompalitch pour le texte suivant. Il est CEO de Canopy Energies, qui distribuera à l'avenir des certificats CO2 d'ADES en dehors de la région DACH (Allemagne, Autriche, Suisse). Canopy Energies s'est fixé pour objectif de lutter contre le réchauffement climatique en produisant de l'énergie propre et en réduisant les émissions de carbone. Nous remercions chaleureusement Nicolas pour sa contribution au blog de l'ADES.

Face à l’urgence grandissante de la crise climatique, amplifiée par le dernier rapport alarmant du GIEC prévoyant un réchauffement de 1.5 degrés dès 2030, il devient impératif de trouver des solutions pour réduire nos émissions carbone.

 Dans cette optique, différents mécanismes sont en plein développement pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES), principales causes du réchauffement climatique dues aux activités humaines.

Un marché volontaire

Le marché volontaire du carbone (MVC) est un de ces mécanismes financiers. C’est un système d’échange conduisant des entreprises à financer des projets qui permettront de réduire les émissions de GES ou de séquestrer du carbone, et ainsi participer à mitiger les impacts du changement climatique. Ceci permet aussi aux entreprises de mettre en valeur leur engagement envers la durabilité et la réduction d’émissions carbone.

Pour chaque tonne de carbone réduite ou évitée par le projet, des organismes certificateurs, tels que Verra ou Gold Standard, remettent des certificats carbone au porteur de projet. Ces certificats, générés suite à la vérification de ces projets, permettent de quantifier et d’officialiser l'impact des activités mises en place : ils prouvent aux entreprises ayant financé le projet que l’action a été réalisée.

Du côté de l'offre, les porteurs de projets sont très variés et leurs projets couvrent généralement des pays en développement. Les projets développés doivent répondre à des critères d'éligibilité stricts et permettre de capter du carbone (reforestation, ...) ou d'éviter des émissions de gaz à effet de serre (fours améliorés, énergies renouvelables, ...). Pour obtenir des financements, les porteurs de projets peuvent donc revendre ces crédits carbone sur le VCM.

Contrairement au marché du carbone réglementé, imposé aux pays ou acteurs privés par des instances gouvernementales ou financières, ce marché se base sur le libre choix et la volonté des acheteurs à financer des projets, sans aucune contrainte légale.

Le prix des crédits

Un crédit carbone correspond à une tonne de dioxyde de carbone captée ou évitée grâce à un projet. Selon les normes internationales, le prix moyen d'un crédit carbone était de 4,95 €/tCO2eq (tonne d'équivalent carbone) en 2022. Le prix de ces crédits varie toutefois en fonction du type de projet, de sa localisation et de ses aspects socio-économiques et environnementaux.

Histoire et développement

Ce marché a vu le jour à la suite du protocole de Kyoto, adopté en 1997 et entré en vigueur en 2005, qui était le premier accord multilatéral visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau international. C'est à partir de cette date que les marchés du carbone, réglementés ou volontaires, ont véritablement vu le jour. En réponse aux préoccupations croissantes concernant le changement climatique et à la pression exercée sur les acteurs privés et publics pour qu'ils réduisent, évitent et compensent leurs émissions, le VCM a connu un essor considérable, en particulier depuis 2020. Au cours des dix dernières années, 836 millions de tonnes de CO2 ont été évitées ou capturées grâce au VCM, selon l'entreprise South Pole.

Le MVC présente de nombreux avantages. En plus de fournir une plateforme sur base de volontariat pour renforcer l’engagement dans la lutte contre le changement climatique, il créé des opportunités supplémentaires de financement pour des initiatives environnementales grâce à la tarification des émissions de carbone. La raison d’être du MVC est donc d’aller au-delà des règlementations sur les réductions de GES. Cette approche incite ainsi un certain nombre d’acteurs supplémentaires à contribuer à la réduction, la séquestration, et l’évitement des GES par le finançant de projets.

Cas d’étude : L’évolution du marché carbone en Suisse

La Suisse a joué un rôle de pionnier dans la lutte contre le changement climatique en se fixant pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % entre 2008 et 2012 par rapport à 1990. Cet engagement devait permettre d'atteindre les objectifs annoncés en 1997 dans le cadre du Protocole de Kyoto. Dès 1999, la loi fédérale sur la réduction des gaz à effet de serre (loi sur le CO2) a été adoptée afin de créer des incitations financières telles que des allègements fiscaux et d'encourager les entreprises à réduire leurs émissions. Cette loi définit un système de certificats d'émission reconnu par le Conseil fédéral suisse, dans le cadre duquel des allocations d'émissions sont perçues sous forme de droits négociables. Ceux-ci permettent aux entreprises concernées de compenser les émissions de gaz à effet de serre. Les allocations étant négociables, les entreprises qui ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre sans atteindre leur plafond peuvent vendre leurs émissions excédentaires aux entreprises qui doivent compenser leurs émissions. La loi vise principalement les entreprises du secteur de la production de chaleur et de l'industrie (avec pour objectif de réduire de 8 % la part des émissions de gaz à effet de serre).

Le 1er janvier 2008, un système d'échange de quotas d'émission (ETS) a été instauré en Suisse pour permettre aux entreprises concernées par la loi de contribuer volontairement aux réductions de GES. Contrairement au plafond fixé dans le pays par la Loi sur le CO2, l'ETS Suisse est resté volontaire jusqu'en 2012. Depuis, plusieurs révisions ont été apportées à cette loi pour se rapprocher des mécanismes européens et éventuellement s'associer au système d'échange de quotas d'émissions de l'Union Européenne (EU ETS, Emissions Trading Scheme).

Il existe plusieurs différences entre le fonctionnement du marché européen et celui du marché suisse des quotas de CO2. Premièrement, le marché européen fait la distinction entre un marché volontaire et un marché réglementé, ce qui a un impact sur le processus d'attribution des crédits. Les crédits issus d'un marché réglementé sont émis par le biais d'enchères, tandis que sur le marché volontaire, des organisations indépendantes déterminent le nombre de crédits à distribuer sur la base d'analyses et d'audits. En revanche, la Suisse ne fait pas de distinction entre ces deux marchés. De plus, la Suisse ne considère pas les certificats de crédits carbone comme des instruments financiers. L'architecture autour de ces certificats est donc particulière selon les pays, et une adaptation au contexte politique suisse serait nécessaire pour se rapprocher du marché européen.

L’intégrité et la crédibilité des projets sur le MVC et le rôle des certificateurs

Pour accéder à ces marchés, les promoteurs de projets font certifier leurs initiatives par des organismes de certification. Ces normes établissent des critères d'éligibilité qui garantissent qu'un projet est financé, mis en œuvre et exploité pendant une durée minimale avant d'obtenir des crédits carbone. L'organisme de certification examine rigoureusement les spécificités du projet et attribue des crédits carbone sur la base des émissions de carbone évitées ou capturées, vérifiées par des audits indépendants réguliers et approuvées par les normes carbone. De cette manière, les crédits carbone attestent d'un impact déjà obtenu et prouvé et assurent la crédibilité des initiatives environnementales.

Les standards, dont les plus connus sont Gold Standard et Verra (aussi connu sous le nom de VCS, Verified Carbon Standards) fixent leurs propres critères d’éligibilité. Toutefois, des critères fondamentaux, communs à tous les standards, permettent d’assurer la crédibilité et l’intégrité des projets : la mesurabilité, la vérifiabilité, la permanence et l’additionnalité.

la mesurabilité et la vérifiabilité : La mesurabilité et la vérifiabilité : Les méthodologies utilisées afin de mesurer et quantifier les émissions carbones liées au projet doivent être transparentes, détaillées et facilement accessibles. La crédibilité des crédits carbones est renforcée et garantie lorsque des entités externes effectuent des audits pour vérifier ces données.

La permanence : Les réductions d’émission carbone sont irréversibles, c’est-à-dire que le carbone capturé ou évité ne peut être rejeté dans l’atmosphère.

Additionnalité : Les émissions carbone évitées, réduites, ou capturées, n’auraient été possible sans la mise en œuvre de ce projet.

Les standards de vérification

Avec 200 millions de crédits carbones émis par Verra et 100 millions par Gold Standard, les deux labels ont acquis une solide crédibilité et sont désormais reconnus internationalement comme les principaux acteurs de ce domaine. Ceci est dû à leur engagement pour favoriser la transparence et la fiabilité des crédits qu’ils attribuent, leurs méthodologies robustes et leur suivi exigeant sur toute la durée de vie des projets.

Les normes carbone se distinguent par leurs critères d'exigence spécifiques et leur expérience dans différents domaines. Par exemple, le Gold Standard est particulièrement exigeant en ce qui concerne les avantages environnementaux, sociaux et économiques supplémentaires et l'impact sur la population locale. Toutes les contributions au développement durable qui ne consistent pas directement en émissions de carbone évitées ou séquestrées sont définies comme des avantages supplémentaires. Ainsi, la création d'emplois, la promotion de l'accès à l'éducation ou à la santé et toutes les autres contributions liées aux Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies sont des atouts précieux pour encourager le financement de projets.

En plus des grands acteurs de ce marché, il existe des normes complémentaires dont les exigences portent sur des aspects plus spécifiques. Par exemple, le CCB (Climate, Community, and Biodiversity), géré par Verra, accorde une attention particulière aux avantages climatiques, à la biodiversité locale et aux communautés concernées par les projets. Le standard Puro Earth, quant à lui, crédite exclusivement les projets qui captent et fixent le carbone. D'autres normes sont encore plus spécifiques, comme le Plan Vivo, qui ne certifie que les projets d'agroforesterie et d'utilisation des terres.

Finalement, les porteurs de projet se tournent vers le label le plus crédible et fiable, et qui s’aligne le mieux avec les objectifs de leur projet.

Changements à venir : le Integrity Council for the Voluntary Carbon Market (ICVCM) et le Voluntary Carbon Markets Integrity Initiative (VCMI)

Afin de répondre aux préoccupations concernant l’intégrité des projets et la crédibilité des acteurs émettant des crédits carbone, des institutions indépendantes telles que l’Integrity Council for the Voluntary Carbon Market (ICVCM) et le Voluntary Carbon Markets Integrity Initiative (VCIM), jouent un rôle essentiel dans le cadre du MVC. Leur objectif est d’assurer la qualité, la transparence, la crédibilité et la redevabilité des parties prenantes du marché volontaire, afin que les entreprises puissent financer des projets de réduction ou d’évitement carbone de confiance.

Récemment, ces deux institutions majeures ont collaboré pour aboutir à la publication d’un guide, le ‘Claims Code of Practice’, un ensemble de règles visant à garantir la cohérence des normes et des critères d’éligibilité. Les missions principales de ce guide sont de fournir des critères, recommandations et conseils, tant sur la réduction des émissions de GES que sur l'utilisation de crédits carbone.

En outre, les Principes centraux du carbone (CCP) établis par l'ICVCM s'efforcent de devenir une référence mondiale en matière d'intégrité des crédits carbone, avec des seuils stricts pour le développement durable.

Grâce aux CCPs et au Claims Code of Practice, ensembles de principes basés sur une science exacte, des analyses rigoureuses, et des données vérifiables, ces normes élevées pour émettre et investir de façon éclairée dans des crédits carbones garantissent une analyse et gestion responsable. Ces critères fixés par le VCIM et l’ICVCM renforcent la transparence et la confiance au sein d'un marché encore jeune, afin de favoriser sa fiabilité et sa solidité.

Conclusion

Le marché volontaire du carbone est donc fondé sur un principe simple : permettre à des entreprises d’investir volontairement dans des projets d’évitement des émissions de GES ou de séquestration du carbone et qui génèrent des crédits carbone. Ces deux dernières décennies ont vu une expansion significative du marché carbone, qui continue à s’accélérer en raison des bénéfices environnementaux, sociaux et économiques durables qu’il soutient.

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